• Envoyer
  • Imprimer
  • Favoris
  • Document user evaluation
    (15 personnes)

Avoir 40, 50 ou 60 ans sans déprimer!

Pour certaines, les anniversaires peuvent devenir de puissants stimulants : changement de carrière, voyage et même, bénévolat à l’étranger. Trois femmes se racontent.

Modifié le :
2009-04-24 14:00
Publié le :
2008-11-15 19:22
Par:
Suzanne Décarie

Christiane Carrère - Réunir tous ceux que j’aime pour mes 40 ans

Christiane Carrère: Réunir tous ceux que j’aime pour mes 40 ans

Je n'ai pas l'habitude des grosses fêtes. Mais 40 ans, ça me semblait spécial. J'avais l'impression d'avoir bouclé quelque chose... Depuis que j'ai franchi cette étape, je ne sais pas nécessairement ce que je veux, mais je sais très bien ce que je ne veux pas. Je me sens enracinée, apaisée, bien dans mes bottines! Et je me trouve chanceuse de pouvoir éprouver ce sentiment-là.

Je me suis fait pas mal secouer durant la trentaine. J'ai vécu une séparation, puis une nouvelle union. J'ai eu un petit garçon, qui est mort à 11 mois après avoir été malade toute sa courte vie. Ç'a été très dur. Pour moi, pour le nouveau couple que je formais avec Nicola et aussi pour mon fils Samuel, alors âgé de 9 ans. J'ai gardé le cap pour lui, parce qu'il avait besoin de moi. Il a été mon phare pendant la tourmente. Je me disais que ça finirait par se calmer, que la situation ne pouvait pas continuer à dérailler comme ça tout le temps.

Quand j'ai atteint la quarantaine, ç'a été comme si je mettais le pied sur du solide. L'épreuve avait soudé mon couple: mon chum et moi étions désormais les pattes d'une même table. J'arrivais quelque part où tout devenait plus facile. J'ai voulu marquer cette étape en invitant tous les gens que j'aime. Avec le recul, je réalise que je les conviais à une sorte de rituel de passage mais, sur le coup, je ressentais seulement le besoin d'être entourée.

Je me suis donc organisé une fête en m'assurant que les participants n'auraient aucune contrainte, que ce serait simple et accessible à tous, petits et grands. Je voulais tellement que les gens viennent! Une fois ma liste d'invités dressée et le restaurant - de type familial - choisi, Nicola s'est occupé de tout!

Le matin de mon anniversaire, mon chum m'a pressée de l'accompagner sans fournir d'explications. Après un détour par un chemin que je ne connaissais pas, il m'a déposée au centre commercial en me remettant un sac contenant tout ce dont j'aurais besoin, disait-il, pour les heures à venir. J'y ai d'abord trouvé une enveloppe. En y reconnaissant l'écriture de ma mère, grande organisatrice de surprises, j'ai compris qu'il s'agissait d'un genre de chasse au trésor... et que j'allais devoir me promener!

Publicité

Second départ

Second départ

J'ai d'abord eu droit à un déjeuner au resto, où un magazine m'attendait à la table qui m'était réservée. J'ai ensuite reçu des soins dans un institut de beauté, où le personnel m'a accueillie avec un ballon. Mon enveloppe contenait aussi des chèques-cadeaux, à utiliser immédiatement ou plus tard dans différentes boutiques. Et partout où j'allais, on me souhaitait bonne fête. C'était super!

Pendant ce temps, sans que je le sache, ma mère me suivait de loin afin de s'assurer que tout se déroule bien. À l'heure du lunch, estimant que j'avais eu mon lot de surprises, elle s'est manifestée. Nous avons alors pris une bouchée ensemble, nous avons magasiné encore un peu, puis nous sommes rentrées.

Le soir, quand je suis arrivée à la salle de réception, tout le monde était là. Même mes amis du Costa Rica, avec qui je collabore depuis des années à des projets étudiants de coopération internationale et que je n'attendais pas! Au total, on était une quarantaine - un chiffre de circonstance, non? Toute la soirée, je me suis promenée d'une table à l'autre. Ensuite, tout le monde est venu finir la soirée à la maison. Et le party s'est prolongé jusqu'aux petites heures du matin...

Le lendemain, j'avais du mal à réaliser que tout ça avait vraiment eu lieu. C'était comme un rêve! En fait, l'évènement a laissé une empreinte que je porte encore en moi. Cette journée-là a donné un bel envol à ma quarantaine, ça l'a colorée.

Côté professionnel, j'enseigne l'anthropologie, un emploi que j'adore et dans lequel je me réalise complètement. Or, moi qui n'avais jamais arrêté de travailler - par crainte de perdre mes habiletés ou de ne plus être capable de revenir ensuite -, j'ai pris un congé de six mois. J'ai alors commencé à suivre des cours de poterie, j'ai bricolé, j'ai préparé des repas pour mes hommes, je me suis reposée, j'ai lu, j'ai fait des bilans.

Maintenant que le calme était revenu, que Samuel et Nicola étaient sortis de la crise où nous avait plongés le décès du bébé, sept ans plus tôt, je pouvais épancher ma propre douleur et achever mon deuil. Enfin.

Aujourd'hui, je peux ouvrir des portes que je n'aurais jamais ouvertes avant. Je m'affirme davantage, je sais mieux ce que je veux, ce qui me convient. Bref, j'ai la quarantaine heureuse!

Publicité

Louise Pearson Le Taj Mahal en solo pour mes 50 ans

Louise Pearson: Le Taj Mahal en solo pour mes 50 ans

Je déteste les anniversaires. Petite, je faisais des crises quand ma mère parlait de m'organiser une fête. Et plus je vieillis, pire c'est. J'essaie toujours de me défiler ce jour-là. Il n'était donc pas question que je reste à Montréal pour mes 50 ans, le 12 janvier 2008! J'avais averti tout le monde: «Ne me cherchez pas, je ne serai pas là.»

Il y a longtemps que je rêvais de voir le Taj Mahal, qui tapisse le fond de mon écran depuis que j'ai un ordinateur. Je voulais aussi visiter Jaipur, au Rajasthan, et Goa. En janvier dernier, ma fille avait 19 ans, et mon fils, 17 ans. Pour la première fois, je pouvais les laisser seuls et envisager de partir. Ça n'a pas marché tout à fait comme prévu. J'ai failli précipiter mon retour après avoir reçu un courriel de ma fille qui se préparait à égorger son frère! Il passait son temps à manger, et un de ses copains squattait la maison. L'horreur. À distance, j'ai imploré mes sœurs de faire quelque chose. Heureusement, elles sont intervenues et tout est rentré dans l'ordre.

J'ai mis six mois à préparer mon voyage. Durant ce temps, j'ai beaucoup lu sur l'Inde - guides, revues, romans - et j'ai consulté des forums de discussion sur Internet pour les femmes voyageant seules là-bas. J'y ai trouvé une foule de conseils et de suggestions. Depuis, j'ai l'impression d'en connaitre plus sur l'Inde que sur mon propre pays!

Je suis donc partie, le 3 janvier 2008, avec une seule réservation d'hôtel pour mon arrivée à Delhi. Quand je m'y suis pointée au beau milieu de la nuit, avec plusieurs heures de retard attribuables à un problème d'avion, l'endroit affichait complet! On m'a alors déniché une chambre dans un hôtel voisin: je vous assure que je n'étais pas très brave en m'y rendant à pied, seule dans le noir...

Publicité

L'Inde et puis… le Lac-Saint-Jean!

L'Inde et puis… le Lac-Saint-Jean!

Le lendemain, un guide m'a entrainée dans une agence pour m'organiser un circuit. Là-bas, pour la durée du séjour, on peut réserver un taxi avec chauffeur. Le mien était adorable! Toute la journée, il me faisait visiter les sites intéressants, puis il me ramenait à l'hôtel - j'ai eu droit à des établissements de rêve, vraiment! - et s'assurait que j'avais ma clé bien en main avant de partir... pour revenir me chercher le lendemain.

J'ai finalement visité le Taj Mahal le 7 janvier, cinq jours avant d'avoir 50 ans. Quel magnifique cadeau! Ça en valait la peine: c'est grandiose, époustouflant... La journée même de mon anniversaire, malgré mes recommandations maintes fois répétées, je n'y ai pas échappé: j'ai reçu plein de courriels de la famille ou d'amis me disant «On sait que tu veux t'en sauver, mais on te souhaite bonne fête quand même!»

J'ai adoré mon périple: Delhi, Bombay, Jaipur, Goa... Partout, j'ai rencontré des gens sympathiques. Des Indiens, bien sûr, mais aussi des voyageurs népalais, anglais, australiens. C'est tellement facile de faire de belles rencontres! Il suffit d'avoir l'esprit ouvert et d'aller vers les gens - ce qu'on fait plus volontiers quand on se déplace en solo. Cela dit, j'ai surtout visité des régions touristiques où on peut facilement se faire comprendre en anglais; je ne me serais peut-être pas aventurée seule ailleurs.

Depuis, la fête se poursuit. Pour célébrer ses 50 ans, une bonne amie française avec qui je partage d'incroyables fous rires a décidé de s'offrir un voyage au Québec. Elle a loué une caravane avec son conjoint et un couple d'amis pour une virée au Lac-Saint-Jean... et elle m'a invitée! J'ai dit aux enfants que, cette année, je pense à moi. Il était temps! Je les ai élevés seule et j'ai beaucoup donné; là, c'est mon tour! J'ai commencé à faire du jogging pour garder la forme et je me sens mieux. Ma maison sera bientôt payée, je commence à respirer. Je rêve maintenant d'un long voyage en Chine, au Japon ou en Thaïlande avec les enfants. Ce sera peut-être ça, ma «liberté 55» à moi!

Publicité

Nicole Pageau - Changer de vie et de continent à 60 ans

Nicole Pageau - Changer de vie et de continent à 60 ans

Quand j'ai eu 60 ans, je me suis dit: «C'est maintenant ou jamais. Mes enfants sont élevés, je suis en santé, j'ai de l'expérience, je peux faire quelque chose pour aider les gens. Si je n'agis pas tout de suite, je ne retrouverai pas le courage de le faire plus tard.» Et je ne l'ai pas regretté. Depuis trois ans, je vis au Rwanda, en banlieue de Kigali, tout près de Kimironko, un village où résident 750 veuves et orphelins du génocide.

Au début de la cinquantaine, j'ai connu une période difficile. Sans emploi au Québec, j'ai pris la route de l'Alberta, avec un contrat de trois mois en poche. On m'avait engagée comme responsable des bénévoles pour la Fête franco-albertaine de Fort McMurray. J'avais un trac fou! J'y suis quand même restée 10 ans. J'ai travaillé comme directrice générale de l'Association canadienne-française de l'Alberta, d'abord pour la région de Fort McMurray, puis à Edmonton. C'est là, en œuvrant à la mise sur pied d'un service d'accueil pour les immigrants francophones, que j'ai côtoyé des gens du Congo, du Burundi et du Rwanda, et que la culture africaine s'est glissée dans ma vie.

En avril 2004, lors des activités commémoratives du génocide rwandais, le témoignage d'Esther Mujawajo, rescapée et fondatrice du groupe Avega (Association des veuves du génocide d'avril) m'a donné l'élan décisif. J'ai vibré de la tête aux pieds en apprenant que des femmes qui avaient été violées, battues, martyrisées, qui avaient vu leur mari et leurs enfants tués sous leurs yeux vivaient dans l'isolement et la plus grande pauvreté, alors qu'elles auraient pourtant dû être entourées de ouate et de satin. Je me sentais responsable. Il fallait que je fasse quelque chose.

Avec des amis, on a fondé Ubuntu (qui signifie «humanité», en rwandais) Edmonton, un organisme qui tente d'améliorer le sort des veuves et des orphelins du génocide. J'étais déjà décidée à m'installer au Rwanda. Pour rassurer mes proches, j'y ai d'abord passé un mois en reconnaissance, à Noël. J'étais si émue de rencontrer ces femmes courageuses, animées d'une telle force de vie, que je pleurais tout le temps! Je savais déjà que je reviendrais en avril, ce mois si triste pour les Rwandais.

Publicité

Du bonheur à Kigali

Du bonheur à Kigali

À mon retour en Alberta, j'ai embauché et formé ma remplaçante, je me suis départie de mes biens - j'en ai versé, des larmes, en faisant le tri! - et je me suis envolée avec deux valises, mes économies et des fonds de 5000 $ pour financer les projets d'Ubuntu Edmonton. Je suis arrivée à Kigali grippée et morte de trac. Que faire? Par où commencer? Au bout de cinq jours, je louais la maison qui deviendrait le centre communautaire. Un mois plus tard, j'y emménageais. Le mois suivant, le Centre César ouvrait officiellement ses portes.

Là-bas, j'ai mis sur pied une banque alimentaire. J'ai engagé une formatrice pour enseigner le tricot et la couture aux mamans, une autre pour l'artisanat. Et puis j'ai décroché un contrat de confection d'uniformes pour un collège de la région. C'était parti. Le Centre César reçoit maintenant près de 85 femmes par jour. Elles viennent pour s'approvisionner en nourriture, se faire soigner à la clinique médicale, fabriquer des produits d'artisanat, travailler à l'atelier de couture ou suivre une formation. On a ouvert une garderie que fréquentent 30 petits, mais il en reste encore autant dans la rue. Un programme de parrainage permet à plus de 175 enfants d'aller en classe. Et depuis peu, on offre des cours de mécanique automobile aux jeunes sans emploi. En fait, j'ai tant de projets que le centre est vite devenu trop petit. L'an dernier, on déménageait dans de plus grands locaux qui ne suffisent déjà plus... Grâce à une mécène, on construit maintenant un nouvel édifice en plein cœur de Kimironko.

Je viens au Canada deux fois par année en tournée de présentation pour recueillir des fonds, vendre nos produits d'artisanat et, bien sûr, voir les miens. Mes petits-enfants me manquent. C'est mon seul regret. Je n'ai jamais été aussi heureuse. Je me réalise, je fais des choses que je ne pensais pas être capable de faire. Et je vis une grande histoire d'amour avec 150 femmes qui travaillent, qui vivent et qui rêvent ensemble.

Publicité

Des rituels à réinventer

Des rituels à réinventer

«Dans les sociétés anciennes, les changements de cycle étaient considérés comme les moments les plus importants de la vie, des étapes majeures où toutes les forces vitales s'enflammaient. Les Amérindiens appelaient cela le "temps de rêve"», explique Paule Lebrun, présidente fondatrice de Ho Rites de passage, une entreprise spécialisée en travail rituel. Jadis soutenue par la communauté, chaque transition comportait un deuil à faire, suivi d'une renaissance; elle était perçue comme une accession à une autre phase de l'existence.

En puisant dans l'inconscient collectif, les trois femmes qui ont livré leur récit dans ce reportage se sont réinventé des rites ayant «un sens pour leur âme», note Paule Lebrun. Selon elle, ces rites rejoignent les archétypes du voyage - «au Moyen-Âge, déjà, le pèlerinage était le plus grand rite de passage» - et du désir d'être honoré. «On a besoin que la communauté reconnaisse que le passage est accompli», souligne-t-elle.

Autrefois collectifs, ces rites d'un nouveau genre reflètent l'individualisme de notre époque. «On est maintenant obligé de concevoir soi-même ses propres passages», remarque Paule Lebrun, qui se dit néanmoins convaincue que ces étapes de vie seront de plus en plus soulignées. «On y retrouvera quelque chose des rites anciens, mais dans des formes contemporaines. Car marquer les transitions est un besoin humain fondamental.»

Chantal Dauray, auteure de Réinventez vos cérémonies, fêtes et rituels! (Stanké), constate elle aussi que les gens sont en manque de rites: «En attendant de retrouver des rituels collectifs qui nous inscrivent dans une communauté, faisons en sorte d'ancrer les moments forts de notre vie à notre manière, dit-elle. Il y a mille façons de célébrer... et ça n'a pas besoin d'être compliqué!»

La version originale de cet article a été publiée dans le numéro d'automne 2008 du magazine Vita .

Publicité

Commentaires

  • Sagie a écrit :

    2009-03-04 8:52 AM

    Eh bien Christine, ça été un anniversaire que tu n'es pas prête d'oublier. Ça fait du bien de voir que nous avons des gens autour de nous, des gens qui sont là dans les moments difficiles. Je peux comprendre ce que tu as pu ressentir lors de la perte d un enfant, car j'ai perdu moi aussi ma petite fille de trois mois. Ce fut très difficile à accepter, mais comme toi, j'avais mon petit garçon à ce moment-là auquel je me suis accrochée, car il avait besoin de moi. Il a été ma bouée de secours. Je suis bien contente de t'avoir lu. En espèrant que nous pourrons communiquer de nouveaux ensemble (je suis nouvelle membre depuis aujourd hui!) Bye bye Bonne journée Sagie
Laisser un commentaire

Les champs marqués avec * sont obligatoires.

Vous devez être connectée pour laisser un commentaire.

Envoyer à un ami

Les champs marqués d'un astérisque * sont obligatoires.

monVita

Inscrivez-vous pour commenter les articles, publier vos histoires ou encore, participer aux forums.


Bienvenue ! Se connecter , s'inscrire ou voir l'aperçu .

Publicité

Abonnement

Infolettre

Soyez au fait des nouveautés. Abonnez-vous dès maintenant.

Infolettre

Partenaires

Concours

")); "));