Et si  l’humour était un besoin social, encore plus pressant en période de crise,  d’incertitude économique ou d’instabilité planétaire? Un sparadrap imbibé de  blagues oxygénées, de vacheries vitriolées, de méchancetés désinfectantes, de  farces décapantes? Si nos travers, nos bobos trouvaient écho dans cette  échappatoire consolatrice? Dans cette forme de catharsis collective? Eh bien, on  ne s’en porterait que mieux!
          
         
         
          
           Il faut bien  soulever le couvercle du presto de temps en temps. Il n’y a pas de mal à vouloir  oublier durant quelques heures ses soucis financiers, ses préoccupations  familiales, ses angoisses professionnelles; à les mettre sur le réchaud en  attendant de les remâcher et, qui sait, de mieux les digérer après un spectacle  poilant. L’humour comme défoulement, oui, mais aussi pour le plaisir de  découvrir de vrais talents, de faire la rencontre d’artistes percutants ou  «juste pour rire». Ce qui est déjà beaucoup.
          
         
         
          
           J’aime rire  et je suis bon public. Je jubile à l’idée d’assister à un show où je vais me  taper les cuisses ou sourire béatement. Je ne suis pas de celles et ceux qui  trouvent qu’il y a trop d’humoristes, au contraire. Rire, pour moi, permet  d’abolir les frontières entre les gens. Le camp du rire est souvent celui de la  solidarité. Et pourquoi ne pourrait-on pas s’amuser autant des brûlots  incendiaires, des jeux de mots savoureux et des satires grinçantes que des  histoires salaces, des gros gags juteux et des bouffonneries grossières?
          
         
         
          
           Moi,  j’adore le mélange des genres et j’apprécie la richesse naturelle que représente  notre gisement de merveilleux bouffons. Je veux me bidonner avec grâce ou avec  disgrâce. Je veux pouvoir rire de tout, sans égard pour le discours bienpensant.  Des facéties sur la politique, la religion, le multiculturalisme; des sarcasmes  mordants sur la condition féminine et masculine, sur les tares de notre société;  des parodies sur la sexualité, sur nos névroses collectives… De tout ça, sans  tabou ni censure s’il vous plaît.
          
         
         
          
           D’ailleurs  les femmes contribuent à cette souhaitable diversité et revendiquent elles aussi  le droit à la libre rigolade (voir «Drôles de dames», p. 65). Elles ont la  volonté de dire le monde du point de vue des femmes sans être démagogiques ni  moralistes. Leurs répliques assassines, leur regard sans compromis sur la vie,  leur vision empathique prouvent hors de tout doute qu’elles ont leur place dans  cet auguste temple de la comédie. Et si, comme nous l’apprennent nos reportages  sur l’humour (identifiés par la pastille Spécial Rire), se fendre la pipe était  bon pour le moral, pour la santé, pour les relations diplomatiques,  professionnelles et amoureuses, on serait bien folles de s’en passer…
          
         
         
          
           - Sylvie  Poirier
           
           Rédactrice en chef
          
         
         
          
           
            La version originale de  ce billet a été publiée dans le numéro d’octobre du
            
             magazine  Vita.