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19 octobre 2009

Pareils, pas pareilles?

Classé dans : Magazine Vita Sylvie Poirier @ 15:38



Billet de Sylvie Poirier, rédactrice en chef de Vita
Publié dans le numéro de novembre 2009
[email protected]

Alors que j’avais 18 ans, les mots féminisme, parité et égalité ne signifiaient pas grand chose pour moi. Dans mon souvenir, nous étions tous égaux devant l’indolence. C’était l’époque des communes, où des copines en bottines et des barbus sympathiques faisaient pousser des légumes bios et du pot organique; l’époque des voyages à Vancouver où la même bande de babas cool allait cueillir des fruits exotiques et des champignons magiques; l’époque des piaules où des poilus de tout acabit se retrouvaient autour d’une pipe à eau et écoutaient (quand ils avaient encore un peu de lucidité) les Led Zeppelin, Gentle Giant et Janis Japlin de ce monde.

Mais dans ce tourbillon de boucane et de brume ont germé quelques idées d’absolu: l’amour libre ( je n’ai jamais réussi à adhérer à ce concept), la paix sur terre, la fin de la guerre, le macramé et l’égalité (la brume finissait tout de même par se dissiper).On plantait des causes, on cultivait des idéaux, on semait des graines d’espoir. Et le monde pouvait rêver.

Décidément, on était dans le champ. Et on n’est toujours pas sorti du bois.

La guerre s’enracine un peu plus chaque jour, la famille s’est recomposé une drôle de cellule, le couple est devenu une sorte de mutant dont on ne saisit pas encore très bien la transformation, l’amour cherche à éclore sous le macadam de la violence et de l’individualisme, et l’égalité n’est pas gagnée.

Comme féministe, j’ai longtemps pensé que les différences entre les hommes et les femmes ne favorisaient ni l’équité ni l’égalité. Le plus simple était peut-être de les nier (pas facile), de les gommer (pas évident), de les éliminer (pas possible), de les accepter (pas question!).

Pourtant, ces différences déterminent probablement plusieurs de nos choix de vie. C’est en tout cas ce que soutient la psychologue Susan Pinker dans son essai Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit (voir l’entrevue qu’elle nous a accordée ce mois-ci dans les pages de Vita ). Et moi qui espérais pouvoir dire haut et fort qu’il n’y a aucune différence entre les hommes et les femmes, qu’on est tous égaux! Après tout, nous aussi on bosse, on consomme, on s’entraîne, on stresse, on se rend malade, on manque de temps, on drague, on est infidèle (voyez aussi le reportage «L’infidélité au féminin: sortie côté jardin» dans notre dernier numéro)…

En fait, on se ressemble de plus en plus, et les différences qui nous définissent seraient plus édifiantes qu’aliénantes. Pourrait-on parler de deux sexes forts et faibles à la fois? Si c’est le cas, je dis: «Alléluia!»

21 septembre 2009

Cellule de crise

Classé dans : Magazine Vita Sylvie Poirier @ 9:09


Billet de Sylvie Poirier, rédactrice en chef de Vita
Publié dans le numéro d’octobre 2009
[email protected]

Il était une fois une petite cellule de rien du tout qui, pour des raisons obscures, s’était transformée de façon anormale, puis multipliée jusqu’à se faire des millions de copines. Un conglomérat tentaculaire qui avait déployé ses ramifications pernicieuses à l’insu de la porteuse de bombe… Mon amie. Aussitôt les hostilités déclarées par le cancer du sein, la famille, les proches, les collègues se sont regroupés en un noyau solide, fusionnel, pour interagir en symbiose et démanteler le réseau d’attaquants de l’envahisseur: chimio, métastases, nausées, perte des cheveux, sècheresse de la peau, douleurs musculaires, fatigue, angoisse… Malgré tout, mon amie s’est retrouvée seule face à cette intangible (et pourtant palpable) maladie. Aussi bien dire en cellule d’isolement. Comment trouve-t-elle la force d’accepter le verdict? D’exécuter la sentence avec confiance et espérance? De combattre l’ennemi avec virulence?  De ne pas se laisser envahir par la peur, la terreur? Je ne sais pas. Pour ma part, je n’ai qu’une envie, créer ma propre cellule antiterroriste. Anticancer. Antisouffrance. Mon amie se bat. Elle est forte. Je suis de tout cœur avec elle. Je l’attends. Je l’espère. Je l’aime.

Pendant ce temps…
… en Afghanistan , une autre cellule antiextrémiste — constituée de femmes, d’hommes, d’enfants et de soldats courageux — livre un combat tout aussi important, pour la liberté, celui-là. Au moment d’écrire ces lignes, les talibans intensifiaient leurs actes de violence contre le peuple afghan, jurant d’attaquer les bureaux de scrutin afin de perturber les élections prévues à la fin d’août. Pour les femmes, ce genre de menaces est presque monnaie courante, elles qui paient de leur liberté et parfois même de leur vie le lourd tribut de l’intolérance. Elles, dont les droits sont plus que jamais bafoués malgré l’éviction des insurgés en 2001. Elles, qui se déplacent — tels des fantômes bleus et marron — couvertes de la tête aux pieds, frémissant au moindre battement de taliban.
Une cellule cible dans un conflit insoluble.

Pendant ce temps…
… au Québec , le ministre de la Santé, Yves Bolduc, nous a donné des chaleurs! Alors que le projet de loi 34 voulait obliger les cliniques privées d’avortement à se transformer en blocs opératoires et risquait ainsi de restreindre l’accès aux interruptions volontaires de grossesse, les femmes bouillaient. (Quand une cellule embryonnaire devient aussi grosse que l’oeuf!) Un droit aussi durement acquis que celui-là ne peut en aucun cas être menacé par une question de privatisation. Mais quelle mouche avait donc piqué le ministre? La mouche du sommeil? Celle qui anesthésie le sens commun? Heureusement, il a fait volteface (merci au Collège des médecins). Ouf! On a eu chaud. Restons tout de même éveillées…

24 août 2009

Une leçon d’audace

Classé dans : Magazine Vita Sylvie Poirier @ 8:57

Billet de Sylvie Poirier, rédactrice en chef de Vita
Publié dans le numéro de septembre 2009
[email protected]

Par un petit samedi matin frisquet de la mi-avril, à Place Laurier (à Québec), une partie de l’équipe de Vita met la touche finale aux préparatifs d’une journée bien spéciale: un tête-à-tête avec une centaine de participantes à notre premier concours de mannequins (journée que nous revivrons au Centre Rockland de Montréal, la semaine suivante). La file d’attente frémit au moindre signe annonciateur du début de l’évènement. L’effervescence est palpable, audible, visible. Nos aspirantes top modèles s’agitent, trépignent, rigolent et jettent quelques regards furtifs vers la table du jury, composé de Maryse Caron, responsable mode à Vita , de Cathy Marsland, de l’agence Folio, et de moi-même.

Nous revoyons rapidement notre méthode de sélection, nos critères d’évaluation, les questions d’usage, le déroulement de la «compétition». On est prêt? Photographe, maquilleuse, coiffeur, hôtesses à l’accueil, préposée à l’espace parfums, dispensatrice de sacs-cadeaux: tous les pros nous font signe que oui. La musique donne le signal. Un groupe de curieux s’agglutine autour de l’estrade. L’atmosphère est électrique. C’est parti…

La première candidate se présente à notre table: coiffée, maquillée et… stressée. C’est le début d’un défilé unique, magnifique, émouvant. Elle nous explique que sa nervosité est telle qu’elle a eu de la difficulté à remplir son coupon de participation. La suivante nous tend une main glacée et moite. La troisième a la gorge tellement sèche qu’elle n’arrive pas à répondre à notre première question. Le cortège s’étire, mû à la fois par la curiosité et le désir de dépassement. Et toutes — qu’elles viennent de Québec, de Trois-Rivières, de Sherbrooke, de Jonquière ou de Gaspé — nous disent avoir eu envie de rebrousser chemin, de prendre leurs (belles) jambes à leur cou et de rentrer à la maison, loin de cette glamourissime et affolante épreuve.

Nous sommes là pour les rassurer, les féliciter, les encourager. Car il en faut du cran pour se présenter à un concours de mannequins. «Après tout, on n’a plus 20 ans», ont avoué — mi-figue, mi-raisin — plusieurs candidates. Affronter le regard des autres, étouffer la peur de ne pas être à la hauteur, s’assumer pleinement… Ça demande de l’audace. Et elles en ont eu.

Je tiens à les remercier toutes, ainsi que leurs enfants, parents, conjoints, amies ou collègues, qui les ont convaincues de plonger dans l’aventure. Nous avons eu la chance et l’honneur de rencontrer des femmes splendides, équilibrées, authentiques. Merci.

J’ai éveillé votre curiosité? Rendez-vous à la page 80 du numéro de septembre du magazine Vita ou encore, sur cette page du site Vitamagazine.ca. Vous constaterez à quel point nos lauréates sont magnifiques et inspirantes. Peut-être vous donneront-elles le goût de venir nous rencontrer l’an prochain?

25 mai 2009

La dernière fois…

Classé dans : Magazine Vita Sylvie Poirier @ 9:16

Billet de Sylvie Poirier, rédactrice en chef de Vita
Publié dans le numéro d’été 2009

Vous est-il déjà arrivé de jeter un coup d’œil sur le chemin parcouru de votre (courte!) vie et de constater que cette dernière n’était finalement pas aussi banale que vous l’imaginiez? Que même si vous n’étiez pas une célèbre espionne, une athlète olympique ou une star de cinéma, votre existence était parsemée de moments tendres, drôles, bouleversants, surprenants; de premières expériences mémorables et de dernières fois tout aussi inoubliables (voir notre article «La dernière fois…» dans la dernière édition du magazine Vita )? Que ce bilan n’avait peut-être rien d’un grand film d’aventures, mais qu’il convenait parfaitement à votre nature?

Pour ma part, j’ai dans mon baluchon existentiel quelques dernières fois anodines, ordinaires, émouvantes, épeurantes, gênantes, amusantes… D’ultimes marqueurs de temps soulignant la fin d’une époque, le début d’une nouvelle ère, le passage d’une vie.

Je me souviens très bien, entre autres, de ma dernière expérience de camping: j’ai alors dit adieu aux maringouins, à l’humidité, au sac de couchage aux allures de sarcophage (sûrement à l’origine de ma claustrophobie), aux toilettes de fortune, à l’odeur de naphta émanant de la chaufferette, aux coassements des grenouilles et des autres campeurs… Je n’ai aucun regret.

La dernière fois que j’ai dansé la claquette, j’avais 14 ans. Nous étions chez mes grands-parents, le soir de Noël, et toute la parenté (une trentaine de personnes) était arrivée. Ça riait, ça jasait, ça s’obstinait. Pendant que mes tantes sirotaient leur p’tite crème de menthe verte, que mes oncles s’enfilaient leur cinquième flotteur et que mon grand-père fumait sa pipe dans son La-Z-Boy en cuir brun en attendant ma prestation (c’est d’ailleurs pour lui que j’affrontais ce public éméché), je peaufinais ma tenue. Puis, je me suis pointée dans le salon et j’ai «claquetté» sur un prélart mou, habillée en Shirley Temple, sans entendre une seule note du 45 tours qui jouait sur le tournedisque… Peu après ce dernier épisode, je me suis inscrite à des cours de ballet jazz.

Je me rappelle aussi ma dernière cigarette. À 29 ans, mon endocrinologue m’a gentiment fait remarquer que j’avais un teint gris cendré (un compliment qui fait toujours du bien), que mes dents allaient bientôt jaunir et que je riderais plus vite que mon ombre si je ne cessais pas de fumer. Pour ajouter à ses bons mots, il m’a montré des photos de poumons brun calciné (d’un chic!) et de membres amputés. Effet-choc assuré. Ça a marché, j’ai écrasé.

La dernière fois que j’ai fait une crise de foie, je me suis juré de ne plus jamais prendre un apéro au resto, suivi de quelques verres de vin et d’un digestif, le tout arrosé (au bar d’un ami) de shooters aux couleurs de l’arc-en-ciel, gracieusetés du portier ou du gérant de l’établissement! Quelle horreur! C’est F-I-FI N-I-NI!

La dernière fois que j’ai fait du ski alpin (je sais, c’est l’été, mais c’est le seul vrai sport que j’ai réellement pratiqué), on m’a conseillé de me concentrer sur l’après-ski, question de sécurité. Pourtant, j’avais à peine endommagé la cabane du préposé au T-bar — en descendant en downhill (l’unique technique que je maîtrisais vraiment) la pente la plus abrupte (à noter qu’au Lac-Saint-Jean une pente est synonyme de vallon) — lorsque je l’ai percutée de plein fouet. J’ai bien accroché quelques skieurs au passage, mais personne n’a été sérieusement blessé. À partir de ce moment, je me suis mise au ski de fond et je ne vous raconterai pas pourquoi j’ai finalement opté pour la raquette…

La dernière fois (je vous en passe un papier!) que je me suis cassé un petit orteil, je n’exécutais pas de triple vrille arrière suivie d’un salto avant, non, je passais l’aspirateur! En écrivant ces lignes, mon pied gauche reposant sur un coussin, engourdi de ne pas bouger, bleu de honte, je me dis que si nous devions faire la liste de toutes nos dernières fois, nous aurions là le portrait assez juste de ce qu’est la vie: un tour de manège sur des montagnes russes, rempli de ah!, de hi!, de ho! et de bah! Faites l’exercice, pour voir.

26 janvier 2009

Une femme à la mer…

Classé dans : Magazine Vita Sylvie Poirier @ 9:54

Billet de Sylvie Poirier, rédactrice en chef de Vita
Publié dans l’édition Février-mars 2009

Dans la vie, il y a des moments qui nous laissent présager que l’avenir ne sera pas un long fleuve tranquille. Que malgré les vents favorables, nous allons ramer. Que malgré nos choix éclairés, ce sera la galère.

Je me souviens, il y a une vingtaine d’années, une de mes grandes amies m’a appelée et m’a dit: «C’est la catastrophe! Ma mère… On mange ensemble, ce soir? Je te raconterai.» Tout de suite, j’ai pensé à toutes sortes de choses: cancer, accident de voiture, bactérie mangeuse de chair, permanente ratée, dépression d’hiver….

Ce n’était rien de tout ça. Thérèse (elle portait le même prénom que ma mère) venait d’apprendre que son mari était amoureux d’une autre femme et qu’il la quittait. Sa nouvelle flamme avait 30 ans. Et vlan dans les dents!

Thérèse ne s’était doutée de rien. À 57 ans, aussi bien dire vieille, usée, bonne pour le musée, elle n’avait pas ressenti la moindre secousse annonçant ce tremblement de cœur, ce glissement de vie. Elle avait choisi de rester à la maison et d’y élever ses trois enfants avec dévotion. Elle croyait que son mariage était en béton.

Pourtant, elle s’est fait plaquer sans façon. Pas d’amis, pas d’argent, pas de métier. Elle s’est retrouvée dans un petit condo, le cœur en bouillie, la vie en déroute, l’âme pleine de bleus, l’esprit à la dérive. Combien de Thérèse ont vu leur beau bateau couler à pic après des années de bonheur mêlées de rancœur, de douceur, de fureur? Une armada.

C’était l’époque qui voulait ça. Amarrés à la famille, à la maison, les hommes avaient soudainement — vers la quarantaine, voire la cinquantaine — envie de prendre le large et de tout larguer. D’aller voir si leur testostérone pouvait encore faire des vagues. Au diable la famille, les obligations, la routine, la libido dans la cale… et vive le démon du midi! Le plaisir de séduire, d’être admiré, de frétiller comme un saumon dans des eaux troubles mais ô combien excitantes noyait tout sur son passage.

Thérèse, Denise, Irène, Jacqueline, Francine, Monique et toutes les autres survivantes pouvaient bien sauter dans un canot de sauvetage et faire naufrage sur n’importe quelle plage, rien ne ferait changer de cap leur aventurier volage.

Ce souvenir fait remonter à la surface une émotion qui a probablement submergé bien des femmes: la frustration. Frustration d’être la farce de la dinde (ou de la nouvelle poule de son mari), la sirène amochée, la victime à réanimer, la mère éplorée, la femme ridée, poquée, «bourreletée». La femme qu’on ne désire plus.

Ma seule consolation, aujourd’hui? Les femmes ont appris à nager en solitaire. Elles sont mieux préparées à surmonter les écueils de l’existence, à surfer sur les obligations, à naviguer contre vents et marées. Elles voguent aussi bien entre les creux et les crêtes de leur vie personnelle, professionnelle et familiale que de leur vie amoureuse. Fini l’unique port d’attache.

De nos jours, les femmes de la trempe des Thérèse, Denise, Irène et autres figures de proue — matures, séduisantes, énergiques — attirent de plus en plus d’hommes, et même des plus jeunes (voir notre reportage Ils préfèrent les femmes mûres… Pourquoi? ). Serait-ce ça, l’équité? Si oui, embarquement immédiat, et vogue le navire!

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